Dans la vie d'un lecteur, il y a des textes, ou des auteurs, qui surgissent, et qui marquent si durablement sa vision de l'écrit qu'ils en deviennent partie intégrante de son essence de lecteur - les anglo-saxons ont un terme pas vraiment traduisible en français :"eye opener", littéralement "ce qui ouvre les yeux", et qui donc fait se rendre compte de quelque chose.

Waaaah !
J'ai rencontré quelques-uns de ces textes / auteurs au cours de ma - encore courte - carrière de lecteur. Ceux qui me connaissent savent que le Seigneur des Anneaux fut pour moi une révélation, mais d'autres écrits ou écrivains m'ont tout autant marqué : Siddhartha de Hermann Hesse (et aussi le Loup des Steppes, je suis en train de lire le Jeu des perles de verre, je parlerai de cet auteur un autre jour), Terry Pratchett, certains Bordage, Damasio, le cycle de Dune, Fahrenheit 451..

Je ne résiste pas au plaisir de remettre un hommage à Pratchett...
Parmi cet incomplet panthéon de mes lectures se trouve, en bonne place, Ursula Le Guin. En fait, elle se trouve même au centre de ce panthéon avec deux-trois autres : tous les livres de ce panthéon ont changé durablement ma manière de lire, mais Terremer, ce fut comme un vin capiteux et pourtant si subtil qui me montait à la tête. Impossible d'en décrocher et de l'oublier.

L'écriture d'Ursula le Guin est incomparablement fluide, mais également d'une grande richesse. Il y a une sorte de pédagogie de la langue, certainement pas explicite, qui permet de faire passer des concepts complexes avec une grande facilité. Et c'est nécessaire, car la richesse humaine de ces livres est un trésor qui ne serait pas apparu si l'auteur n'était si talentueuse.
Ici, la magie est puissante, mais ne prend jamais le pas sur l'humain, parce que ceux qui l'enseignent éloignent les apprenants qui n'ont pas les qualités humaines pour les manier. Par endroits, elle est en retrait - ne cherchez pas de boules de feu, cônes de glace et consorts ! C'est beaucoup plus subtil.
Il s'agit de livres sur la magie et sur l'humain. La magie dans l'humain, l'humain dans la magie.
L'humain dans le maniement du pouvoir, mais également dans le fait de ne pas l'exercer, ne pas même le faire sentir parce qu'il fausse les rapports vrais ; dans la perte du pouvoir et le retour à l'humain ; dans l'échec et la réussite.
Je ne connais pas tous ses autres écrits (lacune en cours de comblement !), mais je ne saurais trop recommander cette lecture à tous !
Je suis en train de faire lire Terremer à une copine justement. Sinon, le cycle de l'Ekumen est excellent également. Lire la Main gauche de la nuit, par exemple.
RépondreSupprimerOui, il paraît, tu m'as déjà branché dessus - j'ai eu une partie du cycle à Noël (malheureusement pas le premier, je vais me le procurer)
RépondreSupprimerChaque histoire est indépendante. Il n'est nul besoin de les lire dans un ordre précis. D'ailleurs, le premier écrit n'est pas le premier dans l'ordre chronologique de l'univers.
SupprimerAh ben ça c'est cool alors, je vais pouvoir m'y mettre !
SupprimerJ'ai lu Le nom du monde est forêt d'elle récemment, elle évoque des thèmes qu'on retrouve par ailleurs dans ses écrits : défaut de langage entre les peuples, difficulté de concilier des états d'esprit différents. Il y a une vision intéressante des rêves. Pas mal, même si je trouve ce récit moins abouti que ce que j'ai lu d'elle par ailleurs. Il y a peut-être un côté Orsonscottcardien là-dedans (ou l'inverse, peut-être).
Je l'avoue, je ne suis jamais parvenue à finir Terremer. L'écriture était finement ciselée et j'ai été très sensible à la manière dont la magie et son fonctionnement étaient décrits. Mais pour le reste, c'était comme de lire un très, très long conte de fées : aucune identification possible avec le héros, dont la personnalité se résume à quelques grands traits... Du coup, une succession de péripéties par lesquelles je ne me suis pas sentie concernée parce que j'avais l'impression de survoler le tout depuis un avion : c'était joli mais loin.
RépondreSupprimerBon, mon commentaire semble n'être pas passé. Je disais donc que je comprenais ce que tu voulais dire, parce qu'il y a une forme de distanciation envers cet archimage à la construction duquel on assiste. Peut-être est-ce dû à une certaine forme de pudeur envers le personnage qu'ULG décrit ? Quoi qu'il en soit, je n'ai quant à moi pas de mal à m'identifier à Ged, et Terremer restera pour moi une révélation, parce que la délicatesse avec laquelle les choses sont décrites n'enlève rien à leur force.
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