Les extrêmes droites ont gagné une grosse bataille, tout récemment. Une bataille menée contre l'humain, et nous sommes tous responsables de cette défaite (enfin, pas tout à fait, mais je me compte dans le tas, en tout cas). Il faut bien avouer que l'ensemble de l'Europe a contribué à cette défaite - à l'exception notable d'Angela Merkel, pour un temps - et pourtant ce n'est pas quelqu'un à qui j'attribuerais habituellement volontiers des lauriers.
Aucun pays de l'Europe n'est désormais légitime pour se draper dans le manteau de garant des Droits de l'Homme, et la France, autant que les autres, a perdu ce droit. Cela ne gênera peut-être pas
certains pays, mais la France a perdu énormément de ce fait : nous, qui nous targuons si souvent d'être le pays des Droits de l'Homme, avons accepté d'accueillir un nombre de réfugiés fuyant la guerre en Syrie minimal, ridicule par rapport à l'enjeu et par rapport à notre voisin allemand, que nous ne sommes même pas capable de mettre réellement en place. A ce jour, combien de réfugiés syriens en France par rapport au nombre de personnes en attente ?
Bien sûr, il n'aurait pas été possible de loger tout le monde dans des maisons, bien sûr il aurait fallu donner un peu de soi, mais...C'était techniquement possible, je pense. On est forts en solidarité lorsque le besoin est lointain, nettement moins lorsque la misère vient frapper à nos portes. N'oublions pas, non plus, que l'Occident porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle, une responsabilité historique. La longue histoire de cette responsabilité aurait pu nous laisser le temps d'envisager la possibilité de la situation que nous vivons et aurait donc dû nous laisser le temps de l'anticiper...
Mais, non préparée, l'Europe a échoué à s'entendre sur un accueil de réfugiés Syriens digne d'un défenseur de l'humain, ou même respectueux des devoirs d'accueil de réfugiés en temps de guerre.
Et puis, l'Europe passe un accord avec la Turquie : un accord de marchandage de vies humaines, qui ressemble trop fortement à un "gardez-les hors des frontières de l'Europe et on vous donne des thunes", ce qui ressemble quand même beaucoup à un "je paie pour ne pas voir ce problème-là".
Et voir les conditions dans lesquelles on les accueille, ces réfugiés, dans ces "camps de concentration"...L'expression, très forte, est de
Tony Gatlif : ces camps entourés de barbelés où on entasse des gens, dont la finalité n'est pas la mort, mais où elle peut être présente.
Il y a des jours où j'ai honte d'être européen...
Il est vrai, aussi, que
les migrants ne semblent pas vouloir venir en France, mais une certaine idée de l'Europe est morte : celle de Jaurès. L'Europe ne s'entend pas, ne peut avoir et n'a donc pas de voix unique.
L'Europe a-t-elle une autre vocation qu'économique ? Reste-t-il quelque chose d'humain, d'idéal dans l'Europe ? Les populations peuvent-elles / veulent-elles insuffler une étincelle de chaleur dans cette mécanique ?
Un beau billet...
RépondreSupprimerParfois je me demande comment tu fais, pour continuer à réfléchir, questionner, plaidoyer sans cesse, alors que je me sens si impuissante et si parfaitement blasée.
Ton commentaire est bien flatteur ! Je ne réfléchis pas sans cesse (et encore moins en ce moment d'ailleurs)...Ce billet, j'ai mis du temps à l'écrire et il est sorti laborieusement...il est en fait le résultat d'une réflexion qui date de l'accord avec la Turquie, mais qui a été longue à formuler.
SupprimerJe me sens, moi aussi, parfaitement impuissant et complètement blasé, surtout sur ces sujets-là, qui laissent un goût amer : n'a-t-on pas laissé faire, en tant que population, nos gouvernants ?
Je ne sais pas... Il fut un temps où je pensais que descendre dans la rue, écrire, débattre, pouvait influencer les politiques. Que c'était ça, la démocratie. Maintenant, j'ai surtout l'impression que nos dirigeants s'en foutent, en fait. Ils écoutent d'une oreille pour faire genre, mais ils n'entendent pas. Ils ne vivent pas tout à fait dans le même monde que nous, je pense.
SupprimerJe pense que tu as partiellement raison : le phénomène Nuit Debout me paraît intéressant sur ce point. Ils réussissent à gêner (un peu) le positionnement des politiques, en créant une agora en plein coeur de Paris. Peut-être, là, y a-t-il un peu d'espoir ?
SupprimerMême si, à la fin des fins, je ne suis pas sûr qu'ils arrivent à créer un élan durable, ça reste admirable, je trouve.
Ça fait belle lurette que je pense que rien ni personne n'a le pouvoir de créer un mouvement durable (je sais que ça fait blasée prétentieuse, mais c'est juste un constat mélancolique), mais je suis d'accord avec toi : je suis plutôt admirative, et j'ai du respect pour eux.
RépondreSupprimerTu sais, je crois que même si on n'a pas forcément fait en sorte que ça arrive quand on n'habitait pas trop loin l'un de l'autre, on devrait se rencontrer, je veux dire, plus longtemps que le temps d'un café :)
Ah oui c'est vrai que c'était une entrevue express (mais je crois que c'était du thé ;-)) ; et en plus, je ne suis pas certain que j'étais au mieux de ma forme ce jour-là. Gwen était probablement plus en forme que moi !
RépondreSupprimerC'est vrai que ça pourrait être sympa de se croiser pour causer ! Peut-être on pourrait essayer de mettre à profit une visite de Gwen dans le coin ??
Pour Nuit Debout, on verra : peut-être parviendront-ils, tout de même, à créer un élan. Malheureusement, c'est le problème de toute révolte : passé le temps de la fougue / de la résistance, dès lors qu'il faut perdurer, surviennent des écueils qui entraînent souvent un naufrage : récupération, essoufflement, perte de crédibilité...A voir