vendredi 27 novembre 2020

Autoritarisme et indignation

Dans le contexte anxiogène dans lequel nous vivons, véhiculé par les autorités et largement relayé dans les médias, il est facile de succomber à la tentation complotiste ; quelque chose que j'essaie de ne pas faire. Et c'est difficile en ces temps où l'urgence sanitaire nous impose des restrictions de libertés.  Seulement...

...Seulement, il y a des signaux qui m'inquiètent :

- par un décret du 14 août 2020, tout une palanquée de compétences  de services déconcentrés de l'État, qui relevaient du premier ministre sont placés sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, via le préfet (merci Reporterre d'avoir attiré mon attention dessus) : "urbanisme, logement social, biodiversité, transition écologique, agriculture, éducation populaire, jeunesse et sport", oui oui, tous ces sujets traités par des services déconcentrés (administrations départementales...) sont désormais de la responsabilité du ministère de l'Intérieur, et plus du tout des ministères qui ont les compétences techniques pour traiter ces domaines. J'ai comme un doute sur l'intérêt que Darmanin porte au changement climatique, mais on peut y voir aussi une mise de tous ces domaines de compétences sous la tutelle du seul ministère qui régit l'ordre. Dès lors, comment ne pas avoir l'impression de humer de désagréables remugles d'autoritarisme?

- le très controversé article 24 de la loi sur la sécurité nationale a été voté à l'Assemblée vendredi soir, assorti de l'amendement que Darmanin, poussé par l'opposition et une partie de son propre camp, a dû y adjoindre. Malgré cette modification, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre cette loi. Et pour cause : le fond de la loi reste intact.

Note : j'ai commencé à écrire cet article le 21 novembre. L'article 24 a été voté le 20. Le 26, Castex annonce qu'une "commission indépendante chargée de proposer une nouvelle écriture de l’article 24" va être créée, provoquant l'ire des députés LREM, menés par le précédent ministre de l'Intérieur, castaner. Vers quelle nouvelle rédaction de ce texte allons-nous ? Suite au prochain épisode...

Pour replacer les choses dans leur contexte, la création de cette commission intervient à la suite de la levée de boucliers des ONG, et après la diffusion de cette vidéo de policiers tabassant un producteur de musique, apparemment sans aucune provocation, sous le prétexte d'un masque pas mis. En république, il n'est pas acceptable que des personnes détentrices de l'autorité publique ne soient pas exemplaires (oui, je sais, c'est une phrase qui peut faire rire jaune), et que ces personnes s'imaginent possible d'agir de la sorte en toute impunité, sous la protection de leur uniforme. Et pour cette vidéo largement diffusée, combien d'actes de ce genre ont été perpétrés, non détectés et donc impunis, car sans preuve ?

Malheureusement, il est probable que le gouvernement qui, en bon élève de Machiavel, se sert de la peur de l'autre, le différent, comme d'un aiguillon pour diriger le troupeau plébéien, ne reflète ici que la très forte émergence des pensées populistes dans le monde entier, et chez nous aussi.

Et je renvoie à cet article pour l'histoire des lois scélérates.

J'attends de voir ce que tout cela va donner. Peut-être les choses changeront-elles lorsque cet épisode "coronavirus" sera passé. Et si je ne suis pas tout à fait encore dans l'indignation (Re-note : en fait, après avoir visionné la vidéo, si, complètement, mais je laisse cette phrase car c'était mon état d'esprit du moment), car les circonstances sont si particulières, je serai vigilant à ce que la privation de liberté que nous subissons actuellement prenne fin. Et je renvoie aux mots de Stéphane Hessel :

"Le motif de base de la Résistance était l'indignation. Nous, vétérans des mouvements de résistance, et des forces combattantes de la France Libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la Résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie."