Pour moi, c'était un dernier jour de congés...J'éclusais une partie
de tous les congés pas pris au cours des années précédentes. Cette
période de repos assez longue prenant fin, je combattais ma mélancolie
de veille de reprise en jouant à un jeu de cartes des Minuscules avec ma
fille de 5 ans (vous savez, les dessins animés courts qui mettent en
scène des petites bêtes - elle adore). A ce moment-là, je ne savais pas
encore que la massacre dans les locaux de Charlie avait pris fin depuis
un moment, que Pelloux avait tiré des ruines fumantes du bureau des
blessés et que Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Maris étaient morts, et d'autres bien près de l'être.
En
cours de partie, j'ai reçu un SMS de ma belle-soeur : "tu as vu pour
Charlie ? C'est horrible". J'ai continué de jouer ma main,
tranquillement, et j'ai saisi la première occasion pour m'informer.
J'étais,
comme nombre de gens, sidéré, effondré. Je voyais les noms, mais mon
esprit refusait la réalité que reflétait l'écran de mon smartphone. J'ai
fini la partie de cartes dans un état second, je ne me sentais pas
d'expliquer à ma fille tout de suite.
Plus tard, je l'ai fait, bien sûr - de manière elliptique, elle est petite, quand même. On est allés au rassemblement à Rennes ensemble,
pour lui expliquer que quand des gens faisaient des choses vraiment
horribles, parfois, ça indignait tellement de gens qu'ils sortaient dans
la rue pour le dire, et que quand on dit quelque chose avec tant de
gens, les mots qu'on dit sont beaucoup plus forts - et surtout beaucoup
plus forts que de taper sur les "gens méchants".
C'est
pour ça que ces djihadistes s'en sont pris à Charlie, d'ailleurs. Eux,
les combattants fanatiques, savent que malgré tous leurs combats,
atroces, meurtriers, inhumains, ils ont un ennemi intime dans les mots
qui portent la liberté. A quoi se sont-ils attaqués en tentant
d'assassiner Charlie ? A la liberté de penser, la liberté d'expression
et donc de se moquer de tout et de tous, le contraire absolu de la
charia (dans l'acception qui est celle d'aujourd'hui). Outre l'organe de
presse, porteur de cette symbolique libertaire, ils ont aussi attaqué
l'irrévérence, cette bande d'anar qui avaient osé publier les
caricatures de Mahomet, ces mecs qui avaient suffisamment d'épaules et
de cojones pour porter vraiment le symbole dont ils étaient devenus
chargés, un fardeau qui avait fini par apparaître sur leurs épaules et
qu'ils devaient porter en se marrant un peu, d'autodérision d'abord, et
d'un peu de moquerie envers nous aussi.
Voilà, maintenant ces
hommes sont morts, mais ils avaient porté suffisamment haut leur
personnage pour que celui-ci reste en lumière, j'espère, longtemps. Et
c'est con pour les pauvres crétins qui se sont fait dézinguer par le
GIGN, mais en tuant ces gens, ils auront rendu intangible, et donc
quasiment indestructible, une partie de ce Charlie qui reste leur
ennemi.
En tout cas, eux, ils ont dû bien rigoler d'où ils sont, lorsqu'un pigeon de passage
a marqué de son empreinte fécale l'embrassade de François Hollande et
de Patrick Pelloux. ça aura au moins eu le mérite de faire rire Luz et
les autres.
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