Pour la première fois depuis bien bien long (comme dirait Roland), je reprends le clavier sur mon blog pour écrire.
Tout à l'heure, je suis allé avec mon fils dans les rues de Rennes pour protester contre l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe, comme on est descendus dans la rue pour Charlie ou qu'on y descend régulièrement pour le climat. Ce qui se passe là-bas, en Ukraine, est horrible, une guerre d'invasion et une tentative d'anéantissement d'une culture qui, quoique fortement influencée par son gros voisin, n'en a pas moins son existence propre.
Cela ne laisse pas que de m'interroger (oui, je sais, c'est lourdingue, mais j'aime bien cette expression) sur notre mobilisation face à d'autres guerres tout aussi illégitimes mais plus lointaines, géographiquement...
Apparemment, nous étions un millier de personnes pour descendre dans la rue à Rennes aujourd'hui. Un millier....Une goutte d'eau ! J'ai expliqué à mon fils que c'était important de manifester, que plus on était nombreux et mieux c'était ; je lui ai dit ça pour qu'il apprenne à protester, à s'indigner comme disait Hessel, mais en réalité, un millier, qu'est-ce que c'est ? Partout en France, on parle de quelques centaines de personnes, quelques milliers au mieux, à tout péter, on devait être 50 000 au total dans le pays.
Pour quelle raison personne ne descend-il plus dans la rue ? La réponse à cette question, aujourd'hui, est la même qu'hier : parce que les gens qui pensent qu'une démonstration de force démocratique par le nombre est efficace sont de moins en moins nombreux. Les gens qui sont encore persuadés de cela sont des personnes d'un certain âge, voire des personnes âgées ; il y avait quelques jeunes et jeunes parents dans la rue tout à l'heure, mais bien trop peu. Heureusement, par endroits, de petites flammèches étaient présentes !
Mais voilà : la plupart de ceux qui se mobilisent encore sont ceux qui ont été animés par des luttes sociales par le passé, en un temps où la parole politique pouvait encore paraître crédible, où le mépris de la classe politique pour l'ensemble de la population n'était pas si sensible. Les personnalités politiques ont quasiment toutes détruit la conscience politique chez les gens. Les préoccupations des Français.e.s ne sont plus tournées vers l'extérieur. Mais que nos dirigeants se rassurent : ils ne sont pas les seuls, loin de là, alors comme le repli sur soi est en train de devenir la norme, ils peuvent dire: "ah ben vous voyez, on avait raison avant tout le monde : préoccupez-vous d'abord de vous et éventuellement, s'il vous reste un peu d'énergie (mais on fera en sorte que ce ne soit pas le cas, rassurez-vous), vous pouvez bien entendu descendre dans la rue, c'est votre droit le plus strict, car nous respectons la démocratie."
Personne, je ne vois personne (à part, peut-être, Poutou, mais je le connais mal), dans le monde politique, qui n'ait écorné la confiance que pouvait accorder le peuple à nos gouvernants, à la démocratie. Du Kärcher aux sans-dents, du bruit et l'odeur au grand débat ou à la convention climat, des diamants par valise diplomatique au virage des années 80...Tous ils en sont comptables, car je ne peux imaginer que les gens ne soient pas horrifiés à l'idée de ce qui se passe en Ukraine.
Comment s'étonner que plus personne, ou presque, ne descende dans la rue ? On n'est plus très nombreux à croire à l'action commune, publique et exprimée, à croire (espérer ?) que le peuple a une voix. Enfin, on y était, pour montrer à l'Ukraine que, quels que soient les atermoiements de nos gouvernants, ils ne sont pas tout à fait seuls, et pour entretenir chez nos gamins l'idée d'une protestation légitime...Avant, peut-être, que la radicalité ne s'impose à eux comme seul moyen efficace de lutte.
Le mot de la fin appartient à Prévert :