J'ai lu les Murmures à la jeunesse écrits par Christiane Taubira au moment de son départ du gouvernement.
La publication de ce texte a suscité de nombreux commentaires, et nul
doute que de nombreux autres commentaires seront publiés sur le sujet. J'ai beaucoup aimé ce livre, et c'est pourquoi j'en rajoute une (courte) couche, superflue peut-être, mais...
C'est un petit livre blanc, pas effrayant pour un sou, peu épais, écrit gros, largement espacé ; tout est fait pour en faciliter la lecture.
Ce qui marque, dès le début du livre, c'est l'ambition du propos : l'expression d'une opinion claire, mais non binaire, sur un sujet dont la complexité appelle des nuances qui, malheureusement n'apparaissent (plus ?) que rarement dans l'expression publique.
Elle pointe ce travers général, en ayant cependant la modestie de se reconnaître impuissante à tout comprendre, et partant, à tout expliquer :
"Qu'opposons-nous à cette intelligence méphistophélique ? Des phrases courtes ! Des mots qui sonnent et résonnent, mais ne raisonnent plus ! Ou, comme ici, sous cette plume, une profusion de mots qui disent davantage sans doute notre sidération et notre entendement désorienté, que ce que nous sommes capables d'en comprendre."
et plus loin :
"Avons-nous à ce point désappris à dire ?"
Avec une grande précision dans le choix des mots, Christiane Taubira fait l'exposé de la complexité des sources de la situation actuelle de danger terroriste (renvoyant à l'incomplétude de leur argumentaire les essentialistes, les sociologistes et les "fétichistes de la détention") ; mais elle expose également, après l'horreur de la brutalité des évènements, le courage de la réaction du peuple français qui, pour une fois, a su montrer de l'unité.
Elle se fait également le porte-parole de ce qu'au moins une partie des musulmans ne se reconnaissent pas dans les actes terroristes, et que toutes les religions ont engendré des dérives fondamentalistes. Il se trouve qu'en ce moment, c'est l'islam qui en est atteint. Et elle parle également de la part de responsabilité de l'Occident dans l'émergence des divers courants terroristes se revendiquant de l'islam.
Bien sûr, elle évoque longuement les solutions envisagées au problème posé : de la peine de mort à la déchéance de nationalité, point central de son départ du gouvernement.
Elle commente les deux évènements (la publication de son livre et son départ du gouvernement) ici :
Par ailleurs, un autre passage de Christiane Taubira chez Ruquier, un peu plus ancien, est là :
https://www.youtube.com/watch?v=cEBVdhCqi5g
Ce livre, je l'ai beaucoup aimé, non en raison du calcul de comm' auquel il est peut-être bien lié, et pas uniquement non plus parce que je me retrouve dans pas mal de choses qui sont dites. Non, encore une fois, j'ai énormément apprécié d'avoir enfin dans les mains un livre clair qui évoque des questions de fond et qui ne soit pas dépourvu de qualités littéraires -loin de là.
Tu me donnes bien envie de le lire. J'ai toujours apprécié le franc-parler de Taubira et j'ai le sentiment que ses convictions sont sincères. Comme je les partage, elle m'est évidemment sympathique. Au moment où le livre a paru j'étais cependant sceptique : comme tu le soulignes, ça sentait le coup de comm' et cela m'a déplu. Voilà qui me fait revenir sur mon opinion !
RépondreSupprimerTant mieux si ça te mène à le lire, je pense vraiment que cet ouvrage pourrait t'intéresser ! Tu y retrouveras, sans nul doute, un goût des mots similaire au tien. C'est ce qu'il y a de bien avec Taubira : son franc-parler est sous-tendu par une vraie réflexion et par une grande maîtrise dans l'expression. On est d'accord, ou pas, avec elle (c'est pas non plus un agneau), mais on ne peut pas lui retirer ça !
SupprimerPar comparaison, j'ai lu 2084 de Boualem Sansal, et j'ai été un peu déçu (même si ça reste une lecture intéressante). Peut-être n'étais-je pas dans des dispositions idéales pour le lire, mais je n'ai pas été porté par son verbe comme par celui de Christiane Taubira.