J'ai relu récemment les premiers volumes de la saga Dune de Franck Herbert. J'ai toujours aimé ce récit à la mystique si particulière, et qui traite notamment de l'anticipation des mouvements de masse et a un regard particulièrement cynique sur la politique, bien que parfois daté ou pas très pertinent.
C'est en particulier cet aspect lié à la manipulation des masses, ou aux conséquences de masse des actions de gens de pouvoir, qui prend une signification particulière en la période troublée qui est la nôtre (
ATTENTION SPOILER). Les premiers volumes décrivent en effet le destin de Paul Atréides, qui rejoint le peuple du désert pour échapper à ceux qui veulent le tuer. Mais ce peuple, les Frémen, a fait l'objet de l'introduction de germes de croyances par une organisation séculaire, et il se trouve que Paul répond parfaitement à cet ensemble prophétique. A son corps défendant, il est le point à partir duquel va se déclencher une vague terrible de guerres de religion, qu'il tentera, autant que possible de limiter, puis combattra, sans succès, jusqu'à finir par en mourir.
Dans le récit de Herbert, le peuple Frémen s'inspire beaucoup des musulmans. Ils contiennent un groupe de guerriers d'élite (les Fedaykin), qui trouvent leur origine dans les Fedayin, commandos anti-israëliens. Leur guerre se nomme Jihad. Leur langage a des consonances arabes.
Il ne s'agit pas de dire ici que Herbert a prévu l'embrasement actuel du monde arabe (le conflit israëlo-palestinien existait malheureusement déjà quand il a écrit Dune et des soubresauts ont à peu près toujours agité le monde arabe au même titre que le monde occidental), mais il est intéressant de voir qu'il disait déjà, à l'époque, que la surinterprétation et l'aveuglement peuvent conduire à des dérives terribles, à grande échelle. Cela donne clairement une résonance particulière à ce récit (dont ce n'est malgré tout qu'un aspect : c'est un texte très riche, complexe, plein de nuances, l'anti-thèse du manichéisme).
Note : toutes les illustrations ci-dessus sont de Sparth
Sur un sujet tout à fait différent, le maître Terry Pratchett
est mort aujourd'hui.
Ce
grand bonhomme est notamment l'auteur des Annales du Disque Monde, satyre affectueuse du monde de l'héroïc fantasy mettant en scène l'inénarrable Rincevent, Nounou Ogg et les autres, mais d'où une critique sociétale était loin d'être absente.
On retrouvait dans ses livres des références à tout un monde de littérature de fantasy, de Shakespeare (Hamlet dans Trois soeurcières) aux barbares de type Conan (Cohen et ses potes), de Cthulu (La huitième couleur) à Dracula et Frankenstein (Carpe Jugulum). Et tous ces personnages évoluaient dans un monde dont le liant était l'humour très british de Pratchett. Il avait écrit d'autres oeuvre, Le peuple du tapis, De bons présages (avec l'excellent Neil Gaiman).
Plutôt que de dire que tous ces personnages sont un peu orphelin ce soir (ce qui est vrai), je préfère évoquer ici le souvenir de tous ces sourires, rires, ricanements, et des émotions littéraires que ce grand bonhomme a su susciter chez moi.
Pratchett était l'un des auteurs favoris, depuis que j'avais eu (pour mes douze ou treize ans) le Grand Livre des Gnomes et Mortimer.
RépondreSupprimerLe dernier livre que j'ai lu de lui, c'est "Le monde merveilleux du caca".
L'image du disque monde que tu as mise, c'est mon fond d'écran au boulot depuis cet été.
Et j'ai très longtemps cru que Deux-Fleurs avait réellement deux paires d'yeux.
Ben voui, depuis longtemps qu'on le lit dans la famille celui-là. C'est pas près de s'arrêter d'ailleurs !
RépondreSupprimerOn en a toujours tourné des pages avec lui, ça en fait une de plus - mais le froissement de celle-là a quelque chose de final...