lundi 30 mars 2020

Article sans titre

Aujourd'hui, j'ai envie de partager ce poème, je suis tombé dessus par hasard tout à l'heure sur le site de Libé :

Un jour j’ai pris la route ancienne
à travers prés friches lavognes
jusqu’au village
où gît sous une dalle
dans la fauve glèbe ruthène
le père du père de mon père

Je ne connais pas son visage
la couleur de ses yeux
s’il avait une barbe d’empereur
ou les nobles gauloises
des paysans en vareuse bleue
qui ont offert à mon enfance
leur senteur de luzerne et de lait

Tintait pour moi la même cloche
qu’au morne jour de son glas
le soir ou le matin
d’un hiver immobile de neige
parsemé de corneilles
ou d’un été de blés roux
dans les coquelicots en fanfare

J’ai marché sur l’herbe grasse
de ses berges coutumières
entre les vergnes et les saules
respirant la sombre odeur
lumineuse des truitelles

et dans les fayards s’envolait
le rire moqueur du pivert
que je n’avais pas oublié

Bien qu'il ne colle pas tout à fait, il résonne assez fortement avec mon actualité personnelle, une actualité sur laquelle je ne veux pas m'étendre ici.  Je n'ai pas le goût d'étaler des évènements trop personnels sur un blog, sauf à travers le prisme de l'écriture et avec une certaine distance. Mais ce texte semble approprié.

jeudi 26 mars 2020

Écœuré

L'autre jour, en allant faire mes courses (dûment muni de mon attestation...), j'ai vu ça placardé sur un bus :
OK, donc : l'argent est l'objectif à atteindre, qui donne la respectabilité ; les gens qui taguent / banlieusards sont forcément des gens avides, ce qui est différent d'être dans le besoin ; le sport n'est qu'un moyen d'enrichissement.

Comment c'est possible d'avoir encore foi en l'espèce humaine ?

J'ai rien d'autre à dire : pas étonné, non. Écœuré.


lundi 16 mars 2020

Le complexe de Chita

Mardi dernier, sous l'impulsion de Céline, on est allés voir le spectacle de marionnettes Le complexe de Chita, par la compagnie Tro-Heol. Une présentation du spectacle par la compagnie elle-même est accessible en suivant ce lien : comme on n'est jamais si bien servi que par soi-même, je ne vais pas refaire cette présentation.

Je vais dire, par contre, à quel point c'était impressionnant.

La première chose qui m'a frappé, avant même de détailler les marionnettes, c'est la fluidité des gestes, des enchaînements de séquences. C'est un ballet, un ballet sur fond noir, par des danseurs de noir vêtus, qui savent faire oublier la présence de leur corps au profit de leurs mains et de leurs marionnettes. De leurs visages, aussi : comme un mime qui incarnerait les émotions de sa marionnette, le marionnettiste, muet, est expressif - du coin de l'œil on le voit et on imprime son expression sur le visage de la marionnette en mouvement. Les deux ne font alors qu'un être hybride, vivant.

C'était impressionnant, également, par la richesse des thèmes abordés : le monde de l'enfance, le rêve (quelle  séquence magnifique et inquiétante), une touche de fantastique - de ce fantastique dont on ne sait pas très bien s'il est bénéfique ou non, peut-être n'est-il d'ailleurs ni l'un ni l'autre, nous extirpant ainsi d'une vision binaire du monde -, de burlesque et de drame, le contact avec le mensonge, la mort et la dureté de la vie, la responsabilité imposée, le déterminisme, qui suis-je, suis-je nécessairement dans la lignée de mes parents, et quelle place prendre dans ce monde d'adultes qu'on découvre à chaque pas qu'on fait, de même qu'on se découvre soi-même ? 

Et les marionnettes. À les voir, je n'avais pas deviné la technique précise d'articulation et d'équilibrage nécessaire à ce qu'elles aient des mouvements si naturels, derrière la jute de leurs vêtements. 

Un mot de l'éclairage, précis, parfaitement synchronisé, propre à créer les ambiances, et qui participe aussi grandement à la "disparition" des marionnettistes derrière leurs marionnettes, et à la magie des enchaînements.

Enfin, ça faisait longtemps que je n'avais pas écouté du Queen ; eh bien j'ai adoré voir le clip de I want to break free (totalement kitchissime, j'adore) façon marionnettes !

Je n'ai pas vu le temps passer. C'était une soirée riche de découvertes. Un grand merci donc à Céline pour nous avoir motivés à venir, et pour les explications !

D'aucuns diront que ce n'était pas très responsable de sortir à ce moment-là, en pleine montée en puissance du coronavirus. Ce n'est pas faux, bien sûr. Mais en même temps (!), quelques jours après que notre adorable président soit allé au théâtre, pourquoi nous en serions-nous privés ? Le spectacle vivant est, par essence, un combat contre l'immobile, le froid, l'inanimé. Y aller était un acte de résistance. Bien sûr, depuis, la résistance a pris un autre visage ; le discours présidentiel de ce soir y a veillé, et à raison pour une fois. 
Une remarque cependant : les annonces de ce soir ont montré combien ce gouvernement est capable de prendre des décisions radicales dans des situations d'urgence immédiate. Que ne le fait-il également pour cette situation d'urgence moins visiblement immédiate qu'est le changement global...


dimanche 8 mars 2020

Vous n'aurez plus le confort du silence

Incité par une copine, Céline, je suis allé à la manif pour la Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes à Rennes aujourd'hui (on devait être trois, mais notre troisième larronne était malade).

Il y avait des panneaux bien percutants, dont voici deux exemples:
Mon préféré est celui de gauche. Celui de droite assimile le capitalisme destructeur au patriarcat ; honnêtement, je ne sais pas si on peut faire ce raccourci : pas sûr qu'une société non patriarcale donne autre chose.
Mais comme notre société patriarcale a débouché sur le capitalisme, après tout...

Adèle Haenel, Virginie Despentes étaient clairement à l'honneur, plusieurs panneaux reprenant la conclusion de son édito de Libé. À titre débatoire, je mets aussi en lien la réponse de Natacha Polony (l'opinion que je retire de cette réponse est que Polony se goure largement en disant que Despentes écrit un texte incitant à la haine des hommes, mais comme je trouve toujours intéressant d'avoir deux points de vue, surtout sur un sujet aussi complexe...).

Des femmes kurdes donnaient de loin en loin le rythme de la marche :
Jîn - Jîyan - Azadî : vie - femme - liberté. En fouillant un peu, je tombe sur ce reportage sur LensCulture,
mais aussi sur ce texte, nettement plus radical. Le PKK est considéré comme une organisation terroriste
même si - si j'en crois Wikipédia - l'évolution du mouvement vers des objectifs plus humanistes,
et déconnectés d'un objectif de prise du pouvoir, peut interroger sur ce statut.

Je ne sais pas quel chiffre donneront les comptages, mais j'estime qu'on était entre 2 et 3 000 à être venus marcher (Edit : environ 3 000, je commence à avoir l'œil). Comme à chaque fois, c'est à la fois beaucoup et très peu...

Sans aller jusqu'à dire que je cautionne ce type de dégradation de lieux de culture, en l'occurrence lorsqu'un groupe d'anars est allé tagger la vitrine du TNB, j'ai compris pourquoi. Clairement, ma première réaction a été une réprobation bien nette ; mais en discutant, je me suis rendu compte que là, cet acte posait une vraie question : ce type de lieux de culture, en diffusant le J'accuse de Polanski, cautionnait la notion de la séparation entre l'œuvre et son auteur.
Or, il se trouve que même maintenant j'ai du mal à écouter du Noir Désir parce que je suis incapable de me dire que, pendant qu'il écrivait des chansons magnifiques, Cantat battait sa femme (d'ailleurs cette question était interrogée sur un panneau aujourd'hui). Même si son œuvre ne se résume pas à cela, il n'en est que plus tragique qu'elle soit, à mes yeux en tout cas et de manière à peu près indélébile, entachée par cela. Le fait que Polanski ait reçu le César de la meilleure réalisation, en distinguant donc autant le bonhomme que son œuvre, me semble montrer clairement que la majorité des 1400 votants, théoriquement des gens cultivés à l'éducation poussée, ne la fait pas, cette différence. Alors je fais une différence nette entre Cantat et Polanski : Cantat a été reconnu coupable et a payé sa dette envers la société, même si cela ne change pas ses actes ; Polanski n'a pas été reconnu coupable. Mais je n'arrive pas à extraire leurs œuvres de ces gens. Un jour, peut-être arriverai-je à lire Céline (Louis-Ferdinand, hein, pas toi, Céline), mais je ne m'y suis pas encore résolu.
J'entends l'argument qui est de dire "Oui mais à ce compte-là, il y a sans doute des foultitudes d'artistes dont le comportement n'est pas beaucoup plus glorieux et que tu ne devrais donc pas apprécier non plus". En effet. Je ne connais pas la vie privée de l'ensemble des artistes que j'admire. Mais le fait que, depuis la mort de Marie Trintignant, cela a une importance cruciale sur le regard que je porte sur une œuvre ou un artiste, me semble une évolution positive.
Ensuite, des gens viendront argumenter sur la tyrannie de la bien-pensance...Ben je les laisse à leur argument. C'est con mais je n'ai rien à y répondre, à part de dire que, potentiellement, la bien-pensance a aussi mené à la fin de l'esclavage.

Au final, je remercie à fond Céline de m'avoir incité à venir ! Je renvoie ICI au texte qu'elle a écrit sur cette manifestation  



 

PS : j'ai hésité à corriger le titre de ce post et à l'accorder à la première personne du pluriel, vu que je suis un mec. Et puis je me suis dit que 'fallait pas non plus exagérer. Je ne m'inclus pas dans les violeurs ou les metteurs de main au cul, même s'il est impossible de dire que je suis totalement exempt de sexisme, parce que le sexisme patriarcal est tellement inclus dans notre société qu'il est probablement indécelable sur certains points (dont nous n'avons peut-être pas encore conscience mais qui nous serons peut-être reprochés plus tard !).