vendredi 30 janvier 2015

Des portes...

Lui, c’est l’autre.

Je le vois qui s’approche, d’un air dégagé, prêt à engager conversation – il frappe à ma porte d’une formule polie, d’un sourire.

Que faire ? Resté-je fermé à toute communication, l’envoyé-je sur les roses, ou alors – risque suprême ! – je m’ouvre à lui, j’entrebâille ? Allons, laissons-nous tenter. Je lui laisse juste l’espace pour que sa conversation se glisse entre le battant et le chambranle.

Poliment, il s’engouffre dans la brèche ; ce faisant, il m’ouvre sa propre porte, et nous passons gaiement chacun la porte de l’autre. J’entre ainsi dans un espace où je vois les idées qu’il a soigneusement disposées à mon intention. Une à une, j’y place les miennes et, par endroits, je déplace les siennes pour caser les miennes, j’en mets même une à la poubelle, d’où il vient la retirer, mais où, après l’avoir reconsidérée attentivement (bien qu’avec a priori), je la replace presque immédiatement. Ou alors, je change tout dans la pièce, d’un air interrogatif ?

Les objidées que nous avons placés chacun dans cette pièce qui nous est désormais commune – bien que nous ne nous voyions pas - ont dessiné, par les vides qu’ils laissent et les relations qu’ils nouent, plusieurs nouvelles portes. Elles sont parfois bien évidentes, mais un coup d’œil dans l’embrasure d’une de ces portes entrouvertes suffit souvent à faire le tour de ce qu’elles recouvrent – en apparence du moins. Mais certaines sont bien dissimulées et ne paraissent pas au premier abord, que ce soit par volonté délibérée, ou bien par le hasard des choses.

Celles-là, il faut se donner la peine de les chercher pour pouvoir les franchir ; parfois, on nous aide en les mettant soudain en évidence.

Ces portes-là, franchies – on peut être déçu, bien sûr, mais parfois, quelles pépites ! Aussitôt franchies, elles mènent à des constructions ineffables et d’autres portes invraisemblables, qu’on traverse d’une fulgurance pour aboutir à un nouveau lieu, de nouvelles correspondances, des architectures folles d’idées ou de sensations qu’on associe, qu’on oublie parfois, mais qui parfois restent et qu’on grave en soi pour les réutiliser ensuite après d’autres portes.

Mais souvent, petit à petit, s’introduisent dans ces moments de partage des objets extérieurs et pragmatiques (une horloge qui tourne, un agenda qui s’ouvre) qui dessinent des portes menant inéluctablement à la sortie de ces endroits.

Alors, on ferme doucement les portes sur ces espaces, témoins de ces fragiles constructions communes qui pour la plupart s’effondreront sitôt le pêne dans la gâche, la dernière pièce voyant l’affluence des banalités habituelles de ce genre de circonstances, qui s’amoncellent au centre.

Puis, chacun prend la porte opposée à l’autre, la referme doucement et, finalement, lui tourne le dos.

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